Interview / Philippe Guigné : "Aujourd'hui la voile virtuelle fait partie de l'équation"

Philippe Guigné, à gauche, pour le lancement d'un Vendée Globe Virtuel © CD85

Alors qu'il quitte Virtual Regatta, son fondateur Philippe Guigné revient avec nous sur l'ascension de l'éditeur de jeu de voile en ligne et sa vision du digital et du nautisme.

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Plus de 20 ans après le début de l'aventure, Philippe Guigné, fondateur du célèbre jeu de voile sur internet Virtual Regatta, a annoncé son départ de l'entreprise en mai 2023, après l'avoir cédée en 2021 à un spécialiste du jeu en ligne, 52 Entertainment. Il répond à nos questions sur le succès de l'entreprise, ses projets et sa vision du digital dans le nautisme.

Comment est né Virtual Regatta ? Pouvez-vous nous raconter son origine et son ascension ?

C'est une longue histoire. L'entreprise est née sous le nom de Many Players, soit beaucoup de joueurs. Cela part d'une vision de l'époque, qui s'est révélée incroyablement juste. J'ai cru dès l'an 2000 qu'internet allait démocratiser les jeux vidéo. Avant, il fallait acheter des cartouches, se déplacer, et avec internet, il suffisait de le télécharger pour pouvoir jouer en quelques minutes.

Je suis un ancien régatier professionnel, j'ai gagné le Tour de France en 1997 et je l'ai dirigé en 1996, quand Bruno Troublé a pris une année sabbatique. Et ma deuxième intuition, ayant travaillé comme organisateur d'évènement sportif est qu'internet va permettre d'en faire, sans que tout le monde doive se rendre au même endroit. Cela a donné le e-Sport, qui n'avait pas encore de nom à l'époque.

C'est comme ça qu'en 2002, j'ai créé Many Players, en commençant avec un jeu de foot. Je trouvais qu'il n'y avait pas de jeu facile à jouer. Il a marché, mais n'a pas gagné d'argent. Il était difficile à monétiser. On est entré dans le free to play. Le principe est que tout le monde peut jouer et  accède à 98 % du jeu et certains sont prêts à payer pour les 2 % restant. On a levé un peu d'argent et financé une petite équipe en vendant des prestations informatiques. On continue avec d'autres sports comme le rugby, mais aucun ne marche très fort.

En 2006, France TV et France Télécom, avec qui je travaillais par ailleurs, viennent me voir en me disant qu'ils sont partenaires de la Route du Rhum et veulent un jeu de voile. Je leur réponds que je vois bien ce qu'il faut faire, mais que j'ai peur que la passion me fasse faire des bêtises entrepreneuriales. Il y avait des choses qui existaient, mais peu accessible, réservées à des voileux hard-cores, aussi un peu geek. Pour autant, on se revoit et finalement, on développe un jeu Flash en 2D, assez propre. Il y a 50 000 joueurs.

Après cela, nous sommes attaqués par une lointaine filiale du groupe Rothschild, car nous aurions violé un brevet. N'ayant pas les moyens de nous défendre, le jeu est en sommeil pendant un an, avant de trouver un accord.

Le Vendée Globe 2008 lance un appel à projets pour un jeu, que nous remportons avec une offre en rupture. En effet, le jeu n'est pas propriété du Vendée Globe, mais nous avons une licence sur le nom du Vendée Globe, et prenons les risques avec Virtual Regatta. C'est un succès , avec 340 000 joueurs et l'aventure se lance réellement.

Cela décolle encore plus avec l'arrivée de l'iPhone et le jeu mobile pour la Route du Rhum 2010.

On travaille dans les années 2010 à la version Virtual Regatta Inshore, qui correspond à ma vraie passion de la voile.

Aujourd'hui, le jeu n'est pas en monopole, mais il est archi-leader.

Comment voyez-vous l'évolution du digital dans le nautisme ?

Aujourd'hui, la voile virtuelle fait partie de l'équation. Si une grande course ne le faisait pas, elle se ferait tuer par ses fans ! 1 million de joueurs sur le Vendée Globe, c'est un record du monde. Ca marche et ça va continuer de marcher. Tous les sports ne sont pas égaux dans leur modélisation. Par exemple, le foot est très complexe : 1 personne doit gérer 11 joueurs en même temps, donc en pratique 1 et l'ordinateur les 10 autres. En voile, on garde le meilleur, et on enlève le reste. La stratégie est le plus intéressant et c'est ce qui est le plus poussé. On ne règle pas l'écoute de foc ou la position de chariot. On a gardé que le cap et le choix de voilure, même en Inshore. L'important, c'est la bonne modélisation du vent, avec des droites, des gauches, des risées, des molles... Et une bonne implémentation des règles de course, ce qui a été le plus complexe.

Qu'allez-vous faire désormais ? Avez-vous des projets dans le nautisme ?

Avant tout, je vais profiter de la vie. J'ai 53 ans et de l'argent pour naviguer. Ensuite, je ne suis pas parti pour refaire du jeu vidéo et de toute façon, j'ai des clauses qui ne me le permettent pas. Ce qui me motive est d'apporter des solutions digitales au nautisme et à la voile, pour aider les marins et ceux qui naviguent. Je parle par exemple des inscriptions de course, de trouver une place de port... Il faut regarder les choses en face, il y a une désaffection pour la voile. Il faut simplifier la vie de ceux qui veulent naviguer !

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Francis Deom
Francis Deom
bravo pour l'initiative et la concrétisation , je suis devenu accro et navigue depuis le belgique sous le pseudonyme de Vi cadet
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