Interview / Taxe sur les yachts, le point de vue d'un avocat

Matthieu Toret, avocat au sein du cabinet Enerlex, spécialisé en droit douanier

BoatIndustry a interrogé Matthieu Toret, avocat spécialisé en droit douanier et en fiscalité indirecte sur le projet de taxe sur les yachts et ses implications pratiques et juridiques.

Alors que le débat se poursuit sur le projet de la majorité parlementaire de taxer les yachts d'une longueur supérieure à 30 m, BoatIndustry a souhaité offrir un éclairage technique sur le dispositif, hors des points de vue partisans. Nous avons interrogé Matthieu Toret, avocat spécialisé en droit douanier au sein du cabinet Enerlex et ancien fonctionnaire du Ministère des Finances, notamment chargé des dossiers liés à la fiscalité des navires. Il intervient aujourd'hui comme conseil pour des propriétaires de yachts.

On parle aujourd'hui de taxer les yachts des résidents français, mais aussi ceux utilisés par des français, via des sociétés basées hors de l'Union Européenne. Comment ce montage peut-il fonctionner au regard des compétences fiscales territoriales des états ?

Matthieu Toret : Il existe effectivement une problématique liée à la territorialité de l'impôt mais que le gouvernement devrait pouvoir lever sans trop de difficultés pour les bateaux sous pavillon étranger utilisé par des français.

Pour les bateaux battant pavillon français, le projet du Gouvernement consiste simplement à augmenter le tarif du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN) qui sera acquitté par les propriétaires de bateaux d'une longueur au moins égale à 30 mètres. Le montant de ce droit étant déjà calculé en fonction de la longueur du navire et de la puissance des moteurs du navire.

S'agissant des yachts sous pavillon étranger qui représentent la majorité des cas, la taxe sur les yachts pourrait prendre la forme d'une augmentation du droit de passeport à la charge des personnes physiques, quelle que soit leur nationalité, ayant leur résidence fiscale en France et des sociétés ayant leur siège social en France. Cette taxe est due, selon les cas, soit par le propriétaire soit par l'utilisateur effectif du bateau.

A noter qu'il existe, une exonération accordée aux sociétés propriétaires d'un yacht sous pavillon étranger, faisant l'objet d'un contrat de location avec option d'achat ou d'un crédit-bail, à condition que le locataire n'ait pas sa résidence principale en France ou un établissement en France.

Yacht à quai

Que représentent les 30 0000€ à 200 000€ annoncés par rapport à l'ISF aujourd'hui et aux restes des charges liées aux yachts ?

Matthieu Toret : L'amendement, tel qu'il est présenté, prévoit une taxe, dont le tarif varie de 30 000 € au minimum pour les navires d'une longueur comprise entre 30 et 40m, à 200 000 € pour les bateaux dépassant les 70 mètres et ayant une puissance propulsive d'au moins 1500 kW. Ces montants pourront éventuellement évoluer au cours du débat parlementaire en fonction du lobbying des différentes parties.

A mon sens, les professionnels du nautisme et du yachting disposent d'un argument de poids à faire valoir auprès du gouvernement pour tenter d'obtenir un infléchissement voire une suppression de ce projet. En effet, ce secteur a déjà subi récemment une augmentation importante de sa fiscalité, encourageant déjà les propriétaires de bateaux à délocaliser leurs activités vers des pays à fiscalité plus avantageuse.Ces dernières années, ce durcissement fiscal a pris la forme d'un resserrement du régime TVA applicable à la plaisance puis d'une augmentation de la TICPE sur l'avitaillement en carburant des bateaux.

En conséquence, l'augmentation du DAFN et du droit de passeport annoncés, même si elles sont d'un montant moindre, viendront s'ajouter à ces hausses, ce qui est un mauvais signal adressé à un secteur, certes associé aux loisirs des privilégiés, mais néanmoins pourvoyeur d'emplois et facilement délocalisable.

On parlait d'attribuer les fonds à la SNSM. L'amendement a été retiré, mais cela est-il faisable ?

Matthieu Toret : Vous avez raison, il semble que, l'amendement tel qu'il est rédigé ne prévoit pas encore formellement cette affectation des recettes à la SNSM. La taxe sur les yachts ayant un caractère symbolique fort, on pourrait voir cette affectation réapparaître plus tard dans les débats parlementaires.

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