Interview / Terre de lin : "L'ambition n'est pas de remplacer intégralement la fibre de verre"

Guillaume Hémeryck, président de la coopérative Terre de lin, explique à BoatIndustry l'ambition des producteurs de lin pour leur fibre naturelle et son application dans les composites pour le nautisme. Il souligne les blocages à lever et les horizons de développement nécessairement lents.

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La Coopérative Terre de Lin, qui regroupe des producteurs de lin français, s'implique depuis de nombreuses années pour le développement de la fibre de lin comme fibre naturelle dans le domaine du composite. Après diverses applications comme le catamaran We Explore de Roland Jourdain ou des voiliers Mojito d'IDB Marine, son président Guillaume Hémeryck fait le point avec BoatIndustry sur la maturité de la filière et ses ambitions pour le nautisme.

Comment Terre de Lin en est-il venu à vouloir entrer dans le marché du nautisme ?

Actuellement 80 % de la fibre textile part en Chine et en Inde. Ce n'est pas quelque chose que nous avons voulu. Nos clients sont partis. Même si on a gardé quelques clients en Europe, notre idée était d'être moins dépendant de l'Asie, et je suis convaincu que l'industrie textile ne reviendra pas. On travaille donc sur le composite depuis une vingtaine d'années, avec des réussites dans le ski avec Salomon, mais aussi dans le vélo. Mais cela fait très peu de volume. Dans le nautisme on a commencé à travailler avec Kairos, l'entreprise de Roland Jourdain, puis avec IDB Marine, via Kairos, et récemment sur le catamaran We Explore construit par Outremer pour la Route du Rhum. Avec tous ces projets, on a prouvé que c'était techniquement possible.

Premier trimaran en lin réalisé avec Kairos
Premier trimaran en lin réalisé avec Kairos

Quels sont les blocages à lever pour le développement du lin dans le nautisme ?

Les gens ont peur du naturel. Comme toute évolution, il faut bien y réfléchir et la méfiance est saine. Il faut faire nos preuves. Le monde agricole et de la 1ère transformation est très différent de l'industrie. Mais des législations vont se mettre en place et il y a potentiellement un gros marché.

L'objectif est de valoriser le lin et de trouver le modèle économique. Pour le textile, le lin se négocie de gré à gré , mois par mois. Pour le composite, on est sur des accords pluriannuels. Il faut donc trouver le bon équilibre, car c'est la même qualité de fibre que l'on utilise pour les 2 marchés.

A quel horizon voyez-vous la maturité de la filière lin dans le composite ?

Nous travaillons à des horizons de 10 ans, pour construire quelque chose de stable à une génération. Le lin est une plante de 100 jours, très sensible aux aléas climatiques. On est donc habitué aux variations. C'est pour ça qu'il faut anticiper. Nous sommes sur des applications de niche aujourd'hui et l'enjeu est l'intégration dans les carnets de commandes. Les gens sont impatients, mais il faut faire bien et prendre le temps.

Crédits Terre de Lin
Crédits Terre de Lin

Que répondez-vous à ceux qui s'inquiètent de la capacité à fournir la fibre de lin ?

La demande est faible aujourd'hui et l'on n'a pas de mal à approvisionner, mais il y a beaucoup de projets latents qu'il faut conclure.

On produit aujourd'hui 300 000 T de fibres de verre et 180 000 T de fibres de lin au niveau mondial, où le tissu est le plus important. Terre de Lin produit 30 000 T, mais l'ambition n'est évidemment pas de remplacer tout le verre. Il y a 10 ans , le marché produisait 100 000 T et aujourd'hui 180 000 T, car la demande a augmenté.

Aujourd'hui, on est entre la R&D et la production, mais la filière est structurée pour investir.

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