Frank Hugelmeyer, vice-président de l'ICOMIA - International Council Of Marine Industry Associations, et président de la NMMA - National Marine Manufacturer Association, représentant la filière nautique aux Etats-Unis, revient avec Boatindustry sur l'étude qu'ICOMIA publie sur la décarbonation du secteur, et plus largement sur sa vision de la situation de la plaisance.
Comment a été menée l'étude "Chemins vers une propulsion décarbonée" publiée par l'ICOMIA ?
Nous avons voulu travailler avec un cabinet reconnu, Riccardo PLC, l'un des plus réputés au monde qui exerce dans l'industrie, l'aéronautique.. Il y a un vrai vide dans les données sur notre secteur. Si on sait bien sûr que la voile est la vraie propulsion verte, il y a 30 millions de bateaux, avec un renouvellement très lent. La 1ère question est donc comment décarboner les bateaux existants et ensuite comment décarboner l'industrie. En se basant sur les données des constructeurs de moteurs, de l'EPA, de l'Union européenne, de la Californie, Riccardo PLC a pu estimer le temps d'utilisation des bateaux de plaisance, et en étudier 9 différents types de bateaux : RIB, fishing boats, daycruiser, pontoon boat, moto marine, bateaux à déplacement, bateaux fluviaux, motoryacht performants et voiliers.
Pour chacun, il s'est penché sur 5 options de motorisation : les carburants classiques, les carburants durables pour moteurs à combustion (HVO ou efuel), l'hybride électrique, l'électrique sur batterie et l'hydrogène pour pile à combustible ou en carburant, en se projetant en 2035. Ont été pris en compte les émissions de gaz à effet de serre sur le cycle de vie, le coût total de propriété, les implications techniques pour le bateau et pour les infrastructures, afin d'établir un classement des différentes options.
Le rapport a été relu 3 fois par des pairs avant publication.
Quelles sont les lignes directrices qui en ressortent ?
Il n'y a pas de solution unique pour tous les types de bateaux. Pour autant, les carburants durables sont, dans la plupart des cas, clairement le meilleur chemin vers la décarbonation. Pour les petits bateaux naviguant beaucoup, notamment en location, l'électrique à batterie peut devenir intéressant. Mais contrairement à une voiture, nos bateaux naviguent très peu, avec une longue durée de vie. En plus, il faut une densité énergétique plus grande des batteries, car il faut plus d'énergie pour faire avancer nos bateaux.
Quel est l'usage pour l'ICOMIA de l'étude, et quels sont les sujets à travailler pour cette décarbonation ?
Nous avons désormais une feuille de route, pour pouvoir parler et discuter avec les constructeurs, les régulateurs et les médias. Le pire serait que les politiques choisissent et imposent une voie unique, sans avoir les données et les connaissances techniques spécifiques au nautisme.
Pour les carburants durables, nous devons travailler avec les régulateurs sur la problématique de distribution, car elle est presque inexistante à ce jour. Quant à l'électrique sur batteries et à l'hydrogène, il faut un vrai choc de financement sur la R&D avec des crédits d'impôt. Aujourd'hui la densité énergétique des batteries n'est pas là. On a aussi besoin d'un standard de sécurité international.
