Pour les systèmes de propulsion électrique, les batteries sont le nerf de la guerre. Avec le développement des véhicules électriques, qu'il s'agisse de bateaux ou de voitures, les technologies évoluent vite. Nous avons donc voulu échanger avec un spécialiste pour mieux en comprendre les enjeux. Christian Hallberg, responsable commercial d'Oceanvolt, a bien voulu répondre à nos questions.
BI : Pour commencer, pouvez-vous nous rappeler les premiers pas du moteur électrique dans l'industrie nautique et les problèmes rencontrés?
CH : En 2009, les premiers catamarans Lagoon 420 électriques sont équipés de batteries de type acide-plomb. Cette technologie, si elle fonctionne, présente plusieurs désavantages importants, qui ont été un frein au développement des bateaux de plaisance électrique.
Le taux de décharge acceptable pour une batterie acide-plomb ne doit pas dépasser 50 à 60%. Afin d'assurer une bonne autonomie, le parc batterie doit donc être très important, ce qui entraîne une masse embarquée élevée. Une bonne partie de la puissance moteur sert alors à transporter des batteries. Cette technologie est acceptable sur des navettes fluviales lourdes comme il en fonctionne depuis des années, mais ne l'est pas sur des bateaux de plaisance. Sur les premiers catamarans électriques, la puissance nécessaire était sous-estimée, ce qui a amené à utiliser le matériel au-dessus de ses capacités, au risque de le dégrader.
Les batteries acide-plomb ne permettent pas le monitoring de la température. Le risque de surchauffe qui détériorerait la batterie n'est pas maîtrisé. Le bateau peut donc brutalement se retrouver sans propulsion sans que cela ait été anticipé.
Enfin, la limitation à un faible voltage en courant continu entraîne de forts ampérages. Le risque de surchauffe et de stress des batteries s'en trouve accru.
BI : Qu'a apporté l'arrivée des batteries Lithium-Phosphate en terme technique?
CH : La nouvelle technologie Lithium-Phosphate a apporté deux avancées majeures, en terme de poids et de sécurité. Pour une capacité équivalente, une batterie Lithium-Phosphate est 4 fois plus légère que celle en acide-plomb. L'absence de composant réactif en fait la technologie la plus sure. Si d'autres solutions comme les batteries NMC (Nickel Magnesium Cobalt) ont une densité énergétique supérieure, elles sont plus réactives et nécessitent un refroidissement liquide, complexe à installer.
Pour dimensionner une batterie, il faut considérer le courant de charge et de décharge acceptable. La batterie doit pouvoir faire face à une forte sollicitation sur un temps court, par exemple lors de manoeuvres de port à pleine puissance. Grâce au Lithium-Phosphate, ce courant de décharge admissible est 10 fois supérieur à celui des batteries acide-plomb, ce qui permet de réduire le parc batterie. De plus, le courant de charge admissible étant généralement estimé à la moitié de celui de décharge, le temps de recharge est inférieur pour les batteries Lithium-Phosphate.
Du point de vue de l'utilisation, la sécurité a également augmenté. Il faut faire attention au type de BMS (Battery Management System) utilisé, car c'est un peu la jungle dans tout cela. Avec les systèmes actifs existants, il est désormais possible de surveiller les paramètres des cellules séparément et de réagir pour isoler automatiquement un élément défectueux. Les autres cellules continuent de fonctionner et le bateau reste manoeuvrant.
BI : Du point de vue économique, la propulsion électrique reste chère. Pensez-vous que le marché automobile puisse aider la plaisance ?
CH : Le prix des batteries Lithium-Phosphate est encore élevé. On est aujourd'hui à 950 € / kWh. Le stockage représente aujourd'hui la moitié de l'investissement d'un système de propulsion électrique pour un bateau. L'explosion du marché des voitures électriques va aider à faire baisser ce tarif, même si les technologies ne seront pas toujours les mêmes à court terme. Pour des raisons de sécurité en milieu marin, la limitation du voltage est une grosse différence technique.
Au-delà de l'aspect économique, la R&D menée dans l'automobile aidera les batteries à devenir plus écologiques, celles-ci étant pour l'instant loin d'être vertes...
A la fin, il y aura nécessairement une convergence. Les meilleures batteries pour l'automobile seront également celles pour la plaisance.
BI : Comment voyez-vous le futur pour la propulsion électrique dans le nautisme et pour Oceanvolt ?
CH : Les grands enjeux techniques restent le poids et la limitation du voltage.
Pour la plaisance comme pour l'automobile, les choses évoluent plus vite que ne le prédisent les analystes. D'ici 5 ans, je pense que l'on devrait avoir gagné 50% tant sur le prix que sur le poids des batteries. L'hybride et le tout électrique devraient être la proposition de base pour la majorité des voiliers. Ensuite, dès qu'une pile à combustible efficace le permettra, on se passera des moteurs diesel.
Du côté d'Oceanvolt, nous sommes moteur dans ce mouvement. Nous travaillons déjà avec plusieurs des plus gros chantiers de bateaux de plaisance, en France et à l'étranger, pour proposer nos moteurs électriques en offre de base.