Consommation électrique des plaisanciers dans les ports, comment l'aborder sainement ?

Jean-Michel Gaigné a quitté son poste de Reponsable de port de Saint-Quay Portrieux pour s'occuper de missions plus larges. Aujourd'hui il tient à prendre position sur la problématique du tarif de l'énergie et sa gestion pour les capitaineries. Une prise de parole simple qui s'appuie sur des faits logiques.

Mieux connaître la consommation avant d'opérer des choix, et prévenir les risques.

Tandis que la conscience environnementale incitait déjà certains gestionnaires à chercher à mieux maîtriser le sujet, l'explosion des prix de l'électricité depuis 2022 a souvent conduit les exploitants de ports de plaisance à prendre des décisions drastiques de régulation de la consommation et de facturation aux plaisanciers. Prises dans l'urgence et mal préparées, ces choix ont été le révélateur de l'empirisme qui règne encore dans l'exploitation de certains ports de plaisance français.

Historiquement, un coût réparti proportionnellement au nombre de postes d'amarrage

En effet, depuis toujours, la plupart des gestionnaires de port incluent la consommation d'électricité de façon forfaitaire dans les redevances annuelles dont s'acquittent les titulaires de postes d'amarrage. Le plus souvent, les règlements prévoient la délivrance d'une puissance maximale, comprise entre 5 et 16 Ampères, selon les marinas.

Dans les ports, certains bateaux demeurent connectés au ponton en permanence, d'autres ne se branchent qu'épisodiquement. Et bien que nombre de règlements d'exploitation stipulent qu'il est interdit de laisser brancher au ponton un bateau inoccupé, les exceptions sont légion. Des formules permettant de demeurer connecté en permanence sont proposées par certains ports, en toute hypocrisie, au risque d'entraîner des accidents d'origine électrique aux conséquences désastreuses en cas d'installation défectueuse. À l'inverse d'autres ports font le choix extrême de débrancher d'autorité chaque bateau inoccupé, au détriment du service attendu par les clients…

Si le gestionnaire du port a connaissance de la puissance électrique globale absorbée sur ses pontons, et s'il est facile de calculer la part de l'éclairage, la consommation détaillée des bateaux stationnés à quai relève toujours d'une approximation et d'une méconnaissance criante. Si la taille du bateau est souvent un facteur déterminant dans cette consommation, on constate après analyse que ce qui importe est souvent l'usage qui en est fait.

Oui à la technologie à bon escient

Face à cela, les gestionnaires de port sont face à une avalanche de propositions de technologie brutale. Comme la borne électrique intelligente, avec comptage et facturation individualisés de la consommation électrique de chaque navire, et pilotage à distance. Une solution séduisante sur le papier, mais est-elle raisonnable ? Non pas que ces bornes soient dépourvues de qualités, mais l'investissement en vaut-il la peine ?

Naturellement, si l'on crée une toute nouvelle marina ou si l'on reconstruit totalement un port de plaisance, aménagé il y a 40 ans, la réponse est oui, car c'est le signe que l'on dispose d'un budget d'investissement conséquent et que l'on prévoit d'amortir ces installations sur un temps long. Oui encore s'il s'agit d'une marina dédiée aux superyachts, mais ça n'est pas le cas de la très grande majorité des ports de plaisance français.

Acquérir des données avant d'opérer un choix

De toute évidence, les petits bateaux pêche-promenade et les voiliers de moins de 10 mètres qui constituent le gros des troupes dans les ports de nos côtes ne sont pas de gros consommateurs d'énergie, et ce n'est guère qu'à partir des unités de 40 pieds que l'on constate que les bateaux sollicitent majoritairement un branchement à quai. Alors, cela mérite-t-il que les ports s'équipent de bornes avec comptage individualisé ?

L'investissement dans un tel équipement est 2 à 3 fois plus coûteux qu'une borne traditionnelle dépourvue de technologie. Rapporté à la consommation globale d'électricité sur les pontons d'un port de plaisance, ce surcoût est impossible à amortir sur une durée raisonnable. Pour autant, il est un fait certain, c'est que les gestionnaires de ports n'ont qu'une idée très vague de la consommation de chaque bateau.

Pourquoi ne pas commencer alors par équiper les bornes électriques existantes d'un simple capteur qui permette de mesurer la consommation réelle des bateaux, et ainsi pouvoir définir un forfait adapté aux profils de consommation réels ? La société Falco propose même de tels capteurs en location pour une quinzaine d'euros par mois. Nulle nécessité d'investir immédiatement, et à l'issue d'une année, il sera déjà plus facile de connaître la consommation réelle par type de bateau, de pouvoir proposer une facturation plus équitable selon le type et la taille des navires, et d'envisager - ou non un investissement plus conséquent.

Ne plus tolérer de bateaux branchés en permanence sans alarme de détection

Avant de succomber au nec plus ultra de la technologie, il est vrai bien tentant, la raison doit conduire en premier lieu à affiner sa connaissance des données de consommation réelles par type de bateau. Ce doit être un préalable avant d'envisager des investissements dans des bornes connectées, lesquelles peuvent ou pas, s'avérer pertinentes pour certains usages.

En revanche, la tolérance généralisée qui prévaut quant au branchement des bateaux en l'absence d'occupant devrait s'accompagner impérativement de l'obligation d'installer à bord des capteurs de détection à l'image de ceux commercialisés par Sense4boat afin de prévenir les risques d'incendie. Plusieurs marinas ont été victimes d'importants sinistres ces derniers mois à la suite de courts-circuits électriques, entrainant la destruction de plusieurs bateaux en plus des installations du port. L'utilisation de tels « smart sensors » commence aujourd'hui à se déployer en Croatie, en Espagne, en Italie, en Belgique ou encore en Grèce et le groupe D-Marin a entrepris d'équiper progressivement les clients de ses 25 ports de plaisance. À quand leur déploiement en France ?

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